LA JOURNÉE QUI S'EN VIENT EST FLAMBANT NEUVE

DATE// 28/11/2020
LIEU// un grand appart où les bouteilles vides s'accumulent, où les rires et les cris résonnent au travers de la musique. une putain de grosse soirée.
HEURE// 23h37
NOMBRE DE PARTICIPANTS// une personne.
PLUS// mention d'alcool, de tabac, de drogue.


elvire plane.
elle a beaucoup trop fumé d'weed.
elle a beaucoup trop bu.
ça fait un bien fou, d'être en dehors de son corps. c'est divin, de s'oublier. de la vieille musique joue sans retenue et elvire danse avec des inconnus. elle connaît pas la personne qui a organisé cette femme, ni même le trois-quart des gens présents. tout ce qu'elle sait avec certitude de cette fête, c'est que les gens ici ont de bons goûts musicaux. d'un coup, elle cale sa bière et sort de la petite foule pour se rendre à la cuisine. elle ouvre le frigo et se prend une nouvelle bière qu'elle décapsule rapidement.
une femme à la mer,
un navire qui coule.
elvire commence à avoir chaud, alors d'un pas rapide, elle monte à la terrace sur le toit pour prendre un peu d'air. elle dépose la bière sur le rebord de l'édifice et fouille dans sa poche pour agripper son paquet de clopes. elle l'allume en ayant un peu de difficulté avec son briquet et elle regarde les lumières de la vie.
elle a réussi à remplir le vide, ce soir.

Oliver tire une longue bouffée de fumée cancérigène et la bloque un instant dans le fond de ses poumons malmenés avant de la relâcher dans l'air frais de la nuit, la tête jetée en arrière, le regard perdu dans le ciel sans étoiles.
Il renifle fort sur ses narines, un tic qui trahit toujours sa consommation de cocaïne, il n'a jamais pu s'en débarrasser. Ni du tic, ni de la consommation. Ce n'est pas vraiment une addiction.
Qu'il dit...
Mais au fond, c'est surtout pour se rassurer.
Parce que ce soir, il vient de terminer les dernières miettes du petit paquet et les sueurs froides lui glissent entre les omoplates, parce qu'il n'aura rien d'autre pour terminer la soirée.

C'est pour ça qu'il est monté sur le toit, fumer clope sur clope, loin de la foule qui l'étouffe et l'oppresse, loin de ces regards qu'il croit fixé sur lui, comme s'ils savaient tous, comme si tout le monde ne voyait que ça. C'est débile, mais cette sensation est tenace, alors il a préféré fuir et offrir son anxiété au regard maternel de la nuit.
Loin de la foule d'inconnus qui s'agitent et de la musique qu'il n'aime pas.

Lorsque le voile opaque de la nuit n'inspire plus son regard, il pose celui-ci sur la fille qui fait des bruits d'étincelles. Elle est plutôt jolie. Il fait un pas et sans un mot lui tend son étincelle à lui, il la regarde d'un œil, de haut en bas, c'est malpoli, mais il s'en fiche.

@Elvire Baker

le briquet a rendu l'âme. elle aurait préféré que ce soit elle qui pousse son dernier souffle. parfois, elle est comme ça, elvire. la chienne de vivre accrochée au ventre de ses immenses crocs saignants. elle essaie souvent de lui échapper, à ce canidé intrépide. elle court, les jambes à son cou, essayant d'attraper entre ses doigts les petites joies quotidiennes. rien n'y fait, la vie la rattrape toujours pour lui foutre un poing en plein dans la gueule.
ce soir, un homme lui tend une flamme pour embraser sa cigarette.
elvire peut sentir son regard la scruter, la détailler de la tête aux pieds. est-ce qu'il aime ce qu'il voit ? elle n'en a aucune idée. jolie sur ses plate-formes vintage qu'on a dépoussiéré pour vendre deux fois le prix. est-elle jolie, la elvire ? le vent mord ses jambes nues et ses bras. trop saoule pour sentir le froid de la nuit.

- merci.

qu'elle dit à l'inconnu en souriant en coin. elle arrive à voir les pupilles dilatées de son sauveur, les tics nerveux de la poudre inhalée. elle prend une gorgée de bière et tire sur sa clope pour empoisonner ses poumons. un être de goudron.

- tu t'amuses bien ?

La phrase le fait sourire, un petit sourire en coin, discret, entre la moquerie et la satisfaction, ce genre de demi-sourire qui vous donne envie de lui foutre une baffe, à oliver et son arrogance, ou alors de lui rouler une pelle, selon le taux d'alcoolémie. Il n'a jamais vraiment su se comporter socialement.
c'est pas qu'il soit mauvais ou désagréable, juste toujours un petit peu à côté, à côté de l'attention, à côté de la bienveillance, à côté de la politesse. Mais pas vraiment méchant non plus, un peu comme une piqûre de moustique entre les omoplates, légèrement désagréable, mais pas ouvertement handicapante.
La cocaïne n'aide pas. En même temps, la cocaïne n'aide jamais vraiment personne.
Il se mord la langue, parce qu'il voudrait dire quelque chose de vexant, juste pour faire sortir la pression qui bourdonne dans sa gorge et ses oreilles, les vertiges qui se terminent en spasme dans ses mains froides.
Parfois faire mal aux autres détourne l'attention de sa propre douleur. Mais ça, ce serait méchant.
Il se retient au dernier moment.
Après tout, elle est jolie cette fille, et puis faut dire que la foule ne se bouscule pas sur la terrasse, pour l'aider à lutter contre l'angoisse ou bien l'ennui, il ne sait plus trop.

- Les amplis sont mal réglés, les gens sont bruyant, ça sent la sueur, la bière et le foutre et j'ai plus rien dans les narines.

Il lui montre le sol en bas, d'un geste vague de la main.

- si on sautait, là, maintenant, sur une échelle de un a dix, on s'en sort comment ?

Le ton est inquiétant, entre la blague est le défit, le ton d'Oliver la nuit.

- T'as déjà eu envie de disparaître ? Pas de mourir en soit, juste... Ne pas exister..