s'abri-thé

depuis quelques semaines, elle avait pris l’habitude anie : des cours, de la vie seule puis des aller-retours entre le café, le campus et l’appartement. et si parfois, elle avait encore l’impression que ses jambes allaient céder, si sa tête se mettait encore souvent à tourner et ses oreilles à vibrer, ça allait mieux (pour le moment). et cet après-midi-là, elle avait même décidé d’aller travailler à vélo. elle était arrivée un peu en avance, les tables était quasiment toutes vides. derrière le comptoir, elle avait relayé son collègue, un autre étudiant. quelques mots, un sourire et elle était à présent seule derrière le meuble en bois.
après avoir fait un tour en cuisine pour signaler sa présence, elle était partie au fond de l’établissement. là, se trouvait une dizaine de portants remplis de vêtements de seconde main, quelques tables débordant d’accessoires, de bibelots faits mains par des artistes locaux que le propriétaire du café acceptait de revendre contre une petite commission et un immense miroir ancien, appuyé contre un mur. depuis qu’elle avait était embauchée, uranie avait réussi à obtenir que l’on ajoute des plantes ici et là dans le café, elle les arrosait une à une méticuleusement.
à l’avant de l’établissement, un groupe de filles, un peu plus jeunes qu’elle venait de partir.  il n’y avait plus dans le café qu’une femme assise à une table avec un enfant, tous les deux échangeaient à voix basse. l’endroit était calme, comme souvent en fin d’après-midi. si calme que lorsque le carillon accroché à la porte se décrocha, anie sursauta.
rapidement, elle regagna l’avant de la boutique, passa derrière le large comptoir. bonjour, qu’est-ce que je peux faire pour vous? sourire de rigueur et mèche rebelle repoussée derrière l’oreille. elle relève la tête pour constater que son interlocuteur est trempé, des pieds à la tête.

lunaire. c’est probablement le mot qu’anie aurait employé pour décrire jill si elle était parvenue à articuler quelque chose. alors que sa chemise détrampée goutait sur le sol, uranie l’observa un instant comme prise au dépourvu. elle ne semblait avoir conscience ni de l’eau qui plaquait ses cheveux sur son front et dégoulinait sur ses joues ni des traces qu’elle avait laissées derrière elle depuis l’entrée de la boutique jusqu’au comptoir. sourire aux lèvres, elle déposa l’énorme toile sur le comptoir puis recula d’un pas, attendant une réponse de la serveuse.
uranie secoua la tête pour reprendre ses esprits. vous…vous devez être glacée ! elle se pencha en arrière vers les cuisines, constata que son patron n’était plus là. à mi-voix elle continua. je ne peux pas vous laisser comme ça !! allez-vous asseoir, j’arrive. elle lui sourit et se retourna dos au comptoir. anie attrapa une tasse propre et commença a s’afférer. depuis son arrivée au café, elle avait appris à réaliser une liste de boissons incalculable, toutes plus loufoques les unes que les autres pour satisfaire les envies des clients qui prenaient un malin plaisir à multiplier les ingrédients pour lui compliquer la tâche. anie, elle, ne jurait que pas une boisson, trop banale peut-être mais sur laquelle elle avait toujours pu compter pour se réchauffer ou se rassurer pendant son enfance : le chocolat de son père. tout en suivant les différentes étapes de la recette, elle se retournait parfois pour observer cette étrange cliente qui continuait de laisser, partout où elle allait dans la boutique, des traces humides ; cette vision lui arracha un sourire. elle était lunaire, effectivement, dans sa manière de regarder autour d’elle, de se déplacer, quelque chose de quasi magique, une grâce qui lui donnait des airs féériques et amusait beaucoup uranie. une fois la boisson terminée, elle la posa sur une table en jetant un sourire à l’artiste puis, se dirigea vers le fond du magasin. dans un des bacs remplis de vêtements elle se mit à fouiller. quelques instants plus tard, elle en sorti un pull large, brodé d’un logo kitsch à souhait, elle haussa les épaules : ça fera l’affaire. elle attrapa aussi un pantalon côtelé qui, devrait probablement aller à jill. en repassant devant la table ou l'autre s’était installée, elle y déposa les vêtements puis, après être passée par les cuisines elle revient les bras chargés de serviette. elle en tendit une à jill. allez-y, buvez ! et réchauffez-vous ! vous devez mourir de froid ...